Ghardaïa, vous serez sûrs de ne rien manquer de tout ce qui fait le charme d’une ville impériale. D’un
côté, il y a le désert et ses interminables étendues ocres. De l’autre, Ghardaïa avec son minaret qui perce le ciel pur.
Sur une colline perchée et nichée au cœur de sa splendide palmeraie, Ghardaïa se déploie dans un festival
d’architectures qui témoignent de son histoire millénaire. Ses concepteurs ne furent ni architectes ni urbanistes, ils n’ont jamais côtoyé les universités faiseuses de
bâtisseurs. Ils n’avaient que des mains expertes. Armés de volonté, ils ont bâti pierre par pierre pour faire d’un territoire que la nature ne dorlotait point, un petit coin de
paradis, dont la simple évocation est déjà une évasion. Le visiteur restera émerveillé devant le génie scintillant d’hommes qui n’avaient que leur courage à faire prévaloir sur
des terres stériles et arides. Le M’zab, et plus particulièrement Ghardaïa, apporte au tourisme plus qu’aucune autre région. Un génie qui s’est déployé au Xe
siècle.
Ghardaïa est née
Son histoire commença à ce moment-là par Daïa la bédouine, qui, à tout hasard, rencontra Cheikh Baba Ould
Djenima et s’accordèrent une pause tendre qui aboutit à une chaude accolade qui les unit à tout jamais. C’est la destinée de cette grotte isolée au sommet d’une colline.
Ghardaïa naît : elle devient l’escale incontournable qui suborne tant de visiteurs avides de se libérer des lacets angoissants de la grande ville. On vient à Ghardaïa comme
en pèlerinage. L’air saharien extrait une oisiveté et une nonchalance qui, par enchantement, deviennent valeurs. Les corps livrés à eux-mêmes retrouvent une allègre volupté.
L’imaginaire s’éclate ; le désir retrouve ses ailes ; la tête rongée par l’incommodité quotidienne se gravant de songes. Le désert devient plénitude ; il emplit
le vrai désert qui est en nous. L’on retrouve cette légèreté qui doit être d’essence humaine. Découvreurs, les premiers habitants du M’zab engagent un combat sans merci pour
enraciner les piliers d’une ville et s’imprégner des vrais vertus de l’lslam. Il fallait vaincre l’adversité maîtresse des lieux qui, telle une gardienne, déployait ses
manœuvres qui décourageaient plus d’un. Mais la rage de vivre et de vaincre étaient plus fortes que la chaleur et le vent de sable réunis. L’espace réduit et l’intransigeance du
climat imposent une architecture typique qui soit à la fois utilitaire et esthétiquement irréprochable. Le pari insensé d’aménager un espace viable qui vient tempérer les
balades des vents de sable et les coups de chaleur et qui devient, en prime, une curiosité mondialement reconnue et magistralement tenu. La pentapole du M’zab fait penser à une
fourmilière où les variations de formes convergent harmonieusement avec les couleurs aux tons purs où dominent le blanc, le bleu et le beige. L’activité de la population est
comparable à celle des fourmis : les unes aux autres, unies et engagées pour un travail collectif. Sa majesté la mosquée est l’omniprésente gardienne des valeurs
musulmanes, des traditions et de la discipline communautaire. La grande force et la bonne santé du M’zab tient en grande partie au respect des valeurs ancestrales qui restent le
meilleur rempart contre le déferlement de la civilisation qui menace les fondements de sa société. A observer la fébrilité des populations, on cherche sans chômer à débloquer
dame paresse. « Le travail, rien que le travail » telle est la devise inscrite au fronton d’une ville modèle par bien des aspects. Les ruelles labyrinthes de la ville
s’animent d’une fébrilité chaque jour renouvelée. Toute cette agitation converge de la rue Aouassaâ, de la rue Cheikh Ami Saïd et de la rue Ibn Rostom vers la place du marché,
véritable baromètre de l’activité commerciale. On y trouve pêle-mêle des légumes toujours frais, fruits d’une agriculture saharienne prometteuse mais souffrant d’un manque
évident de moyens matériels. Dans cette fourmilière, tout s’achète et tout se vend ; du tapis du M’zab qu’on exhibe avec une pointe d’orgueil, aux condiments qui répandent
leurs exhalaisons odorantes en passant par un bric-à-brac bien romantique. Epicentre de la ville, le marché de Ghardaïa est un lieu de vie et de fête pour des centaines de
nomades qui déferlent d’Aflou, de Ouargla, d’Adrar ou de Timimoun pour acheter ou écouler leurs marchandises. Il est le rendez-vous tant attendu d’une foule composite qui va du
marchand au client, en passant par le touriste et le simple curieux. Dès l’aube, ils investissent un espace qui, soudain, devient coloré et vivant d’une vie saine faite de
gestes et de pratiques séculaires.
Le marché, un lieu de rencontres
Les truffes de Béchar et les cacahuètes de Seb Seb côtoient les légumes de Laâdira et de I’Intissa et les
vieux marchands à la criée, tannés par le soleil, symbolisent toute la beauté et la générosité de la vie mozabite. Les nombreuses boutiques parsèment de chaque côté le marché et
s’ouvrent tels des joyaux pour découvrir une floraison de tapis, de burnous et de babouches qui font de ce lieu un musée à ciel ouvert où l’ancien côtoie, dans une discordance
difficilement conjugale, un présent (l’électronique et les portables quoique informels). Le marché joue un rôle important dans la vie des gens du Sud. Il est le lieu privilégié
où le nomade s’accorde une halte pour s’enivrer des couleurs abondantes. Quant au sédentaire, il retrouve par la magie de ce grand rassemblement un espace important de sa belle
époque que les perfidies du temps tendent à engloutir. Et le touriste découvre, dans un élan de curiosité empreint d’exotisme, la chaleur humaine qui transparaît sur chaque
visage mozabite et qui dissipe les séquelles de ce fléau des temps modernes appelé stress. Au fil des heures, la ville s’échauffe de ses gens et du soleil pour atteindre le
plein bouillonnement, en milieu de journée, la foule compacte se disperse (prière oblige) en se donnant rendez-vous pour le lendemain pour un éternel recommencement au goût de
fête. A votre retour, en quittant Ghardaïa, l’hiver vous paraîtra beaucoup moins long. Ainsi, vous aurez constaté que la naissance de Ghardaïa est incontestablement le fruit de
la volonté et de l’amour de ses concepteurs. Elle est condamnée à rester belle. Aidez-là à rester belle, ne serait-ce que par votre pensée.
Source El Watan
Le Pèlerin
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