Quantcast
Channel: Algérie Pyrénées - de Toulouse à Tamanrasset
Viewing all articles
Browse latest Browse all 990

Images du Sud algérien : Terre, Hommes et Culture

$
0
0

Les avatars de prismes déformants

region tamanrasset

 

Après la fête de la Sbeiba, célébrée dans le sud algérien dans l'intervalle de temps séparant le 1er Moharram du jour de l'Achoura, les journées précédant la fin de l'année ont toujours été de grands moments de fièvre touristique où la région reçoit principalement des touristes européens venus passer les deux réveillons (Noël et la Saint Sylvestre).

La saison touristique dans le Sud prend le relais de la saison estivale du Nord à partir d'octobre et se termine en avril. Cependant, la concentration des flux touristiques se déploie précisément pendant cette semaine qui clôt l'année du calendrier grégorien.

Il est vrai que, au cours de ces dernières années, la situation sécuritaire a constitué une contrainte de poids pour l'activité touristique dans le Sahara algérien sans qu'elle atteigne néanmoins la «sinistrose» du milieu des années 1990. A partir de cette date, des dizaines d'agences touristiques ont mis la clef sous le paillasson conduisant à la mise au chômage de centaines de travailleurs, sans parler d'autres préjudices causés à l'économie locale (commerce, hôtellerie, transport,…).

La reprise, à une cadence prometteuse, des activités touristiques à partir de 2005 a été régulièrement perturbée par des «incidents» sécuritaires, certes isolés, mais capables de semer la peur ou, du moins, susciter des réticences chez les potentiels candidats au voyage dans les profondeurs du Sud algérien.

Si le Sud algérien attire tant les étrangers – il y en a même qui s'y rendent pendant la saison torride de l'été –, c'est qu'un charme particulier, une insondable magie exercent leur magnétisme sur les hommes sans que les Algériens du nord, souvent tentés par des vacances en Europe ou chez nos deux voisins maghrébins, n'en prennent tout à fait conscience.

La nature et la culture des terres maternelles du Sud algérien sont en effet les deux moteurs de leur attractivité. Dunes de sable, regs caillouteux, rochers sculptés du Tassili, oasis hyalines, traces de l'homme préhistorique, religion de la paix individuelle et du bonheur collectif, rites et chants qui nous renvoient à un moi et un inconscient collectif des plus fertiles, et, enfin, un sens de l'hospitalité rare sous d'autres latitudes, sont des réalités qui nous délivrent d'un maladif mode de vie trop diligent et happé par la cupidité et le conflit permanent.

Comment faire pour que cette immersion dans la nature et la culture sahariennes ne soient pas vécues comme un simple exotisme de pacotille ?

Vision lacunaire

Il faut reconnaître que, malheureusement, à l'exception de certaines manifestations folkloriques par lesquelles les autorités culturelles du pays s'acquittent de leur conscience en en ressassant les images à échéances régulièrement fixées, la culture saharienne n'a pas encore trouvé son chemin sur le plan de l'expression pour qu'elle soit partagée d'une façon conviviale et harmonieuse par l'ensemble de la collectivité nationale.

Les aspects folkloriques qui ont mis cette culture ancestrale au contact des gens du Nord étaient au départ de véritables valeurs pleines l'authenticité, tournées vers l'œcuménisme d'un message humaniste transmis par les habitants de ces vastes espaces dits désertiques. Et si le véritable désert était là où on le soupçonne le moins !

L'historique imzad, feu Othmane Bali, le chanteur Adel M'zab, le fidèle Djibril (le légendaire guide touristique qui a été à l'origine de la célébrité dont jouissent Henri Lhote et les gravures rupestres du Tassili) et d'autres figures ou aspects rituels – à l'image des fêtes du Moussem et de la Sbeiba –, n'arrivent pas à bénéficier d'une véritable pédagogie culturelle et de mise en perspective qui les projetteraient comme valeurs culturelles authentiques, comme données historiques fertiles et porteuses d'un message écrit par des hommes à d'autres hommes ; pour tout dire, des valeurs faisant partie d'un monde qui n'aurait jamais dû cesser d'être nôtre.

Les images, les sons, les gestes et les messages qui nous parviennent de ces territoires à la fois proches et lointains sont malheureusement brouillées par nos prismes déformants et nos visions stéréotypées. On n'est pas loin d'un certain exotisme que l'on reproche souvent à des Européens chez qui l'on trouve des penchants «orientalistes», lesquels prolongeraient quelque part le véritable courant artistique orientaliste qui a connu ses heures de gloire au 19e siècle.

Est-ce que la volonté des pouvoirs publics de développer le tourisme dans le Sud algérien parviendra à faire valoir les richesses culturelles, artistiques, historiques et naturelles de ce vaste territoire ? Il est vrai que l'économie rentière permise par les hydrocarbures a mis sur la marge le secteur touristique aussi bien au sud qu'au nord du pays.

Selon des témoignages que nous avons recueillis au nord de la wilaya d'Illizi, jusqu'à la fin des années soixante du siècle dernier, et dans la seule oasis de Bordj Omar Driss (ex-Fort Flatters) distante de 700 km par rapport au chef-lieu de wilaya par la voie goudronnée, des flux touristiques de grande ampleur, constitués d'Européens, venaient passer les fêtes de fin d'année sur le sable fin de cette petite ville d'à peine 3 000 habitants où il n'y a aucune structure hôtelière. Les rencontres avec les populations locales se faisaient en pleine nature, dans la convivialité et la sécurité. A l'époque, Bordj Omar Driss disposait d'un… aérodrome.

L'homme et la nature : un équilibre à entretenir

Le festival des cultures et civilisations des déserts qui se tient chaque année dans un pays touché par le phénomène de désertification climatique est un forum qui essaye d'inculquer l'importance de la richesse culturelle des peuples et des communautés habitant ces espaces dits désertiques. L'Algérie est un pays actif et influent dans ce forum et a reçu les activités de ce festival à deux reprises (2003 à Timimoun et 2007 à Alger).

Les organisateurs de ce festival lui ont fixé des objectifs aussi bien culturels – échanges et interactions entre les communautés des contrées concernées – qu'écologiques de façon à pouvoir dégager les voies les plus rationnelles et les moyens les plus appropriés pour contribuer à la lutte contre la désertification. Les données de la géographie physique placent l'Algérie parmi les pays les plus touchés par cette notion de désert. Sur l'ensemble de sa superficie, une proportion de quatre cinquièmes représente les zones arides, soit environ deux millions de kilomètres carrés.

Bien que notre pays possède une façade maritime de 1 200 km de littoral, son histoire est plutôt marquée par une orientation vers l'intérieur, hormis la période phénicienne et turque où la mer avait joué un rôle prépondérant respectivement dans le commerce et la guerre. Les historiens et les sociologues ont relevé cette particularité dans laquelle a baigné notre ambiance culturelle.

Les territoires des pays qui sont présents d'une façon régulière dans le festival des cultures et civilisations des déserts comptent naturellement une grande partie de terres désertiques.

Si ces espaces se trouvent aujourd'hui désertés par les populations en raison de la rudesse des conditions de vie qui y prévalent, il n'en a pas toujours été ainsi. Pour preuve, les cultures profondes et ancestrales de ces pays portent l'empreinte d'une vie, certes marquée par l'effort et le labeur, mais riche, dense, voire même parfois exubérante. Pour le cas de l'Algérie, deux ères de l'histoire proche et lointaine confirment une activité débordante des espaces sahariens où, malgré l'adversité, les populations ont su évoluer dans un équilibre qu'elles ont ingénieusement instauré et entretenu. La période de l'industrie néolithique a vu, au Tassili des Ajjers, l'une des civilisations les plus florissantes de l'époque s'établir au sud du pays, phénomène qui, depuis les explorations d'Henri Lhote et Théodor Monod au milieu du 20e siècle, n'a cessé de surprendre et d'intriguer les chercheurs par sa profondeur et son étendue. Malika Hached, Nadia Mecheri Saâda, Mouloud Mammeri, Slimane Hachi – chacun selon son profil ou spécialité – ont investi à leur tour, par leurs recherches et investigation, une partie de ces territoires. La région, déclarée Parc national – le plus grand musée à ciel ouvert du monde – s'étend de Djanet jusqu'aux confins de Tamanrasset.

Le festival qui se tient depuis le début de l'année 2011 sous l'intitulé «Tlemcen, capitale de la culture islamique» a exhumé, ne serait-ce que partiellement, l'autre grand moment de l'histoire des territoires sahariens. Il s'agit du grand mouvement commercial ayant établi les routes sahariennes et les caravansérails de Tombouctou à Ouargla et de Sijilmassa à Tlemcen.

À l'occasion de ces échanges commerciaux, les échanges culturels et les brassages ethniques ont assis l'aire culturelle sahélo-saharienne faite de berbérité, d'islam et d'africanité.

L'un des systèmes communautaires sahariens les plus efficaces, bâti sur une organisation sociale solidaire, un équilibre environnemental sans faille et une domestication de la nature au profit de l'homme – ce qui correspond approximativement au concept de développement durable tant chanté par la littérature scientifique d'aujourd'hui – a été établi et bien entretenu il y a dix siècles El Ateuf, une ville faisant partie de la Pentapole de la vallée du M'zab.

Les perturbations grevant actuellement la vie des populations qui y vivent et les déséquilibres urbanistiques et architecturaux ont conduit par exemple à la catastrophe des inondations d'octobre 2008. C'est toute l'organisation ancestrale (construction, architecture, aménagements urbains,…) qui a été battue en brèche par les effets anarchiques d'une modernité mal assumée.

Source Les Débats Saâd Taferka

Le Pèlerin


Viewing all articles
Browse latest Browse all 990

Trending Articles